Victoria Kielland, Mes hommes

Belle Gunness est la première tueuse en série de l’histoire. Née Brynhild Storset en 1859 dans une famille modeste de Norvège, elle devient fille de ferme avant d’émigrer vers l’Amérique où elle assassinera plus d’une quarantaine de personnes, essentiellement des hommes. C’est son incroyable destinée qui est au cœur du roman de Victoria Kielland : celle d’une femme que les injustices de classes, la quête d’amour absolu et l’austérité religieuse font basculer dans la folie meurtrière. Du Chicago de la fin du XIXe siècle à l’Indiana, elle va leurrer puis tuer ses maris, ses propres enfants, ses garçons de ferme et autres jeunes scandinaves fraîchement débarqués aux États-Unis qu’elle séduit par l’intermédiaire de petites annonces.

Au fil d’un texte ciselé, charnel, aux très beaux élans poétiques, l’autrice fait corps avec les tourments de Belle, son appétit érotique, son insatiable besoin d’être aimée, le poids de la culpabilité luthérienne qui la poursuit jusque dans ce nouveau pays où elle, comme tant d’autres, espère se réinventer.

  • Née en 1985, Victoria Kielland est une autrice norvégienne. Mes hommes est son deuxième roman, et le premier à connaître un succès retentissant à l’international.
  • Revue de presse
    Une prose à la limite de la poésie et presque tactile. Cette grande sensualité rend Mes hommes, et l’écriture de Kielland en général, intrigante et extraordinaire.
    Victoria Kielland écrit sur la tueuse en série d’origine norvégienne Belle Gunness d’une manière impressionnante et effrayante. Mes hommes est aussi captivant que dérangeant.
    « C’est magistral. Mes hommes montre comment l’esprit fracturé d’un meurtrier peut être rassemblé grâce à l’œil d’insecte composé de l’artiste. Si seulement plus de gens écrivaient comme Kielland ».
    « L’histoire brutale de la tueuse en série américano-norvégienne Belle Gunness est racontée du point de vue de Belle comme un conte sensuel sur l’amour, le désir et le regard d’une femme brisée... un roman original et accompli »
    « Ce roman fascinant et décalé sur une femme tueuse en série est une lecture inattendue et passionnante. »
    Victoria Kielland plonge dans cette vie tourmentée avec subtilité, portée par un style poétique et inspiré qui laisse une grande part à l’imagination. En mêlant inventions, reconstitutions à partir d’éléments historiques et structure biographique, l’autrice crée un roman unique, tout en clair-obscur et bien loin de la moindre dimension spectaculaire.
  • Je viens de terminer Mes hommes de Victoria Kielland et j’ai adoré. Je précise que je ne suis pas une dangereuse psychopathe en devenir, mais il est vrai que l’histoire est incroyable surtout qu’elle est tirée de faits réels, j’ai adoré l’écriture incroyablement poétique de l’auteure. Je pense que ce livre a toute sa place à l’autre librairie.
  • Journal Skandinaven, Chicago, 1904‑1908

    Offre de mariage – Farmer, 26 ans, résidant dans le N. Dakota, désire par manque de relations correspondre avec demoiselle ou veuve scandinave. Sans fortune. Pas sérieuse s’abstenir. Envoyer photo avec courrier.

    Offre de mariage – Jeune homme, 30 ans, bien physiquement, belle situation, habitant la ville, désire correspondre avec demoiselle de moins de 30 ans, femme d’intérieur et gardienne de son beau foyer. Envoyer photo dans premier courrier.

    Offre de mariage – Veuf, 45 ans, désire entrer en relation avec demoiselle ou veuve sans enfant entre 25 et 40 ans, d’origine norvégienne. Bonnes références garanties et exigées. Offre foyer serein et beau grâce à jolie situation pécuniaire. Écrire au journal pour mon adresse.

    La Ville des Anges, Californie, 1915


    Les flammes vacillaient dans l’âtre avec ardeur et sans bruit. Belle avait besoin d’une fenêtre contre laquelle reposer sa joue. Un épiderme refroidi, d’un rouge incandescent, d’une fraîcheur semblable à celle de la brume
    matinale, une peau calme et tiède. Le duvet au-dessus de sa lèvre supérieure – ses doigts glissèrent sur la bouche, et Belle entendit alors le souffle sibilant de ses poumons.
    Elle alluma une cigarette et observa la ville. Le chêne gigantesque se dressait dans le soleil du soir en étirant contre les fondations ses longues racines noueuses qui s’enfonçaient dans le sol, s’enlaçaient autour de la palissade, se coulaient entre les brins d’herbe. Les fils à linge étaient
    tendus entre les branches, draps et culottes flottillaient au vent.
    — Il y a des choses que je ne pourrai jamais avouer, murmura-t-elle. Il y a des choses qui sont beaucoup trop grandes. Elle parvenait à peine à respirer.

    — Il y a des choses qui peuvent me détruire. Les phrases l’asphyxiaient.
    Belle ignorait quand l’explosion se produirait, mais elle savait qu’elle aurait lieu. Une grenade, un poumon retourné, un épilogue aux mille guerres ; les larmes coulèrent sur sa joue.

    — Vous êtes bien trop nombreux. Elle sentit ses muscles abdominaux se tendre, l’un après l’autre, dans l’obscurité.
    Le soleil du soir était à présent rasant, sa lèvre supérieure s’était fendillée dans le milieu, elle prit une profonde bouffée de sa cigarette, entre la fumée et les dents sa bouche se remplit de mots chétifs plus proches
    du cri, ils lui taquinaient les gencives, franchissaient la barrière de ses lèvres entrouvertes :

    — Ceux qui aiment de tout leur corps ne survivront jamais à l’amour. Les
    vagues du Pacifique déferlaient avec fébrilité sur le littoral, leur miroitement sombre brasillait dans sa direction, sa voix envahissait la pièce, une vérité si grande qu’elle barrait la route au reste, les mots portaient jusqu’à la fenêtre. Il y avait quelque chose dans les ridules sous ses yeux, dans les sillons sur sa peau, qui trahissait les événements
    passés, les problèmes entortillés dans ses poumons, la figure parcheminée du temps ; Belle les percevait avec une telle netteté, le scintillement et l’eau salée qui l’éblouissaient presque.

    — Vous êtes bien trop nombreux.